#1J1A : Brigitte Lainé, une archiviste lanceuse d’alerte (1942-2018)

Brigitte Lainé, 1993

Brigitte Lainé, une archiviste lanceuse d’alerte (1942-2018)

S’il est une archiviste engagée, c’est bien Brigitte Lainé. Après son décès, survenu le 2 novembre 2018, les Archives de Paris ont publié sur leur site internet un texte rendant hommage à sa carrière et à son engagement sans faille pour les archives et leurs usagers.

J’étais l’auteur de ce texte dont je confesse aujourd’hui la maladresse et l’incomplétude. J’avais fait le choix d’insister sur la richesse et la grande variété de ses travaux, sur l’héritage colossal qu’elle léguait aux Archives de Paris, et moins sur son rôle dans le procès opposant Jean-Luc Einaudi à Maurice Papon en 1999. La courte allusion à cet événement n’était pas suffisamment explicite et ne rendait pas compte de la portée de son acte, un acte engagé, courageux et nécessaire qui a fait surgir des éléments décisifs sur la connaissance du massacre du 17 octobre 1961.

Caroline Piketty a exposé la chronologie des faits dans le détail lors d’une journée d’étude tenue le 20 septembre 2019 à l’Assemblée nationale sur « Les disparus de la guerre d’Algérie du fait des forces de l’ordre françaises. Vérité et justice? ». Intitulée « L’accès aux archives, un enjeu citoyen. Les questions posées par Brigitte Lainé et Philippe Grand », sa communication est plus que jamais d’actualité, à l’heure de l’ouverture des archives des procès impliquant Maurice Papon et du combat de l’AAF pour l’accès aux documents classifiés secret défense.

Lanceuse d’alerte, Brigitte Lainé avait raison, indubitablement. Elle a fait bouger nos valeurs, nous a montré la voie et en a injustement payé le prix. La promotion 2020-2021 des élèves de l’INP a choisi de porter son nom. Je salue cet élan qui nous rappelle à nos devoirs d’archivistes et de citoyens. Mais au-delà de la « fameuse “affaire” – liée au 17 octobre 1961 – qui secoua le petit monde des archives au tournant du siècle » et comme l’a si bien montré Philippe Grand dans son vibrant hommage à son amie et consœur[1], l’œuvre de Brigitte Lainé, tout au long de sa carrière, est magistrale.

Elle a sauvé, exhumé, inventorié, communiqué et mis en valeur tant d’archives utiles, riches, essentielles. Je n’en veux que pour seul exemple le magnifique fonds des dessins et modèles de fabrique déposés au Conseil de prud’hommes de Paris entre 1847 et 1979. Grâce à son travail acharné, à son opiniâtreté salvatrice, ce fonds a été préservé et mis en lumière. Les Archives de Paris – qui s’engagent aujourd’hui dans la diffusion numérique de ce sublime bazar de la création industrielle – doivent à Brigitte Lainé toute leur reconnaissance.


[1] Philippe Grand, « Brigitte Lainé (1942-2018) », dans Bibliothèque de l’École des chartes, t. 174, livraison 2018-2019, Paris, Genève, Droz, 2020, p. 417-425.

Auteur : Guillaume Nahon, Archives de Paris